Interview d’un militant révolutionnaire à Hong Kong qui revient avec nous sur son parcours et décrit la situation actuelle, à l’heure où Beijing tente d’achever la « normalisation » du territoire rétrocédé en 1997 par les Britanniques, afin d’assurer la stabilité d’un acteur financier central pour le développement du capitalisme en Chine.
Peux-tu te présenter ?
Je suis travailleur dans le bâtiment. Je suis grutier ce qui est plutôt un emploi qualifié. J’appartenais au syndicat HKCTU, d’orientation libérale, jusqu’en 2019 où je militais dans l’union des travailleurs du bâtiment. Le syndicat était très impliqué en politique, dans la lutte démocratique, jusqu’à 2019. La répression étatique a poussé la direction du syndicat à se retrancher sur une position corporatiste de défense des intérêts immédiats des travailleurs. La génération des travailleurs plus âgés avait peur de la répression, et finalement ont arrêté de défendre les travailleurs à la base. Aujourd’hui ce qu’il reste du syndicat, ce sont des programmes d’apprentissage de métiers qualifiés. Je trouve du boulot parce que je connais des gars qui m’appellent pour me dire si ça embauche ou pas. Généralement, on est entre 10 et 20 grutiers par chantier donc le boulot ne manque pas. Si je réussis à trouver du travail, je peux monter jusqu’à l’équivalent au taux de change de 4200 euros par mois. Si j’ai du mal à trouver du boulot je suis vers 1500 euros. En comparaison, un studio coute 2000 euros par mois, mais il y a des trucs moins chers de très mauvaise qualité. J’ai commencé à bosser sur les chantiers en 2013. Il y avait une grève des dockers et en tant qu’étudiant je suis allé les soutenir. Quand je suis revenu à la fac après plusieurs mois je n’avais pas assez de crédits validés. Un des leaders de la grève m’a proposé de faire grutier et j’ai commencé comme ça.
1) Où en est le mouvement syndical à Hong Kong ?
Il y a différents types de syndicats, syndicats industriels ou corporatistes, sur un lieu de travail en particulier ou sur toute une compagnie, etc. À Hong Kong tu peux créer un syndicat si tu as au minimum sept personnes. Il n’y a rien cependant dans la loi de Hong Kong qui garantisse l’existence légale des syndicats.
Il y a deux centrales syndicales à Hong Kong : la HKCTU1, d’inspiration libérale, et l’HKFTU, pro-Beijing et ayant renoncé à la lutte des classes depuis les années 1970. La HKCTU s’est auto dissoute en 2021, en anticipation de la répression plus que sous les coups de la répression elle-même. De nombreux leaders de la HKCTU sont en prison mais plus de 200 sections locales ont cessé d’exister avant même que le gouvernement l’exige. La majorité des activistes est démoralisée. Avec le Covid, tout rassemblement de plus de deux personnes est devenu illégal. Même après la fin de la pandémie, la police a gardé cette loi et s’en sert contre les militants de manière plus ou moins agressive. Le syndicat pro-Beijing n’a aucun souci pour organiser des manifestations en soutien à la répression et en faveur du gouvernement.
2) Est-ce que tu discutes un peu politique avec tes collègues ou ta famille ?
Sur le chantier je suis incognito. Si les collègues apprenaient que je suis militant révolutionnaire, je me demande bien ce que ça donnerait. Si les collègues en parlaient naturellement, je donnerais mon avis. Ma famille, ce sont des gens modestes, ils pensent que la politique c’est pour la haute, par pour nous les travailleurs.
3) À quoi ressemble la classe ouvrière hongkongaise ?
Il n’y a pas d’industrie, 90 % des gens bossent dans les services. Le principal secteur économique est la finance. Le plus gros employeur de « travailleurs », c’est le gouvernement local. Une fraction importante de la bourgeoisie est liée au bâtiment, Hong Kong importe du sable de Malaisie pour étendre le terrain limité et très densément peuplé.
Propos recueillis par Stan Miller
1 HKCTU, Hong Kong Confederation of Trade Unions. HKFTU, Hong Kong Federation of Trade Unions.
Source by – https://npa-revolutionnaires.org