French Archives - Asia Commune https://asiacommune.org/category/french/ Equality & Solidarity Sat, 11 May 2024 16:00:39 +0000 en-US hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.5.3 https://asiacommune.org/wp-content/uploads/2022/07/cropped-cropped-cropped-cropped-New_Logo_02-32x32.png French Archives - Asia Commune https://asiacommune.org/category/french/ 32 32 L’expérience interrompue de la Banque du Sud en Amérique latine et ce qui aurait pu être mis en place comme politiques alternatives au niveau du continent https://asiacommune.org/2024/05/11/lexperience-interrompue-de-la-banque-du-sud-en-amerique-latine-et-ce-qui-aurait-pu-etre-mis-en-place-comme-politiques-alternatives-au-niveau-du-continent/ https://asiacommune.org/2024/05/11/lexperience-interrompue-de-la-banque-du-sud-en-amerique-latine-et-ce-qui-aurait-pu-etre-mis-en-place-comme-politiques-alternatives-au-niveau-du-continent/#respond Sat, 11 May 2024 16:00:32 +0000 https://asiacommune.org/?p=7242 10 mai par Eric Toussaint Photo : Presidencia de la N. Argentina, Wikimedia Commons, CC, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Banco_del_Sur.jpg J’ai été impliqué dans le lancement d’une Banque du Sud…

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10 mai par Eric Toussaint

Photo : Presidencia de la N. Argentina, Wikimedia Commons, CC, https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Banco_del_Sur.jpg

J’ai été impliqué dans le lancement d’une Banque du Sud en 2007-2008 alors que j’étais invité par Ricardo Patiño, le ministre de l’économie et des finances du gouvernement du président équatorien Rafael Correa, et avec des économistes argentins et équatoriens à collaborer à la définition de la position de l’Équateur en la matière. Je l’ai fait avec conviction et sans rémunération. En avril 2007, à Quito, nous avons rédigé une proposition de position de l’Équateur pour les statuts, le modèle de fonctionnement et les objectifs de la future Banque du Sud. Ce projet a finalement été validé par Rafael Correa. En comparaison avec les autres pays concernés, l’Équateur a défendu la version la plus avancée et la plus cohérente au regard de l’objectif d’une intégration continentale répondant aux besoins des peuples. Les autres gouvernements défendaient des positions plus traditionnelles. En décembre 2007, les négociations entre les gouvernements de plusieurs pays d’Amérique latine ont abouti à la signature de l’Acte fondateur de la Banque du Sud à Buenos Aires. Cet acte a été signé par le président brésilien Lula, le président argentin Néstor Kirchner, le président bolivien Evo Morales, le président vénézuélien Hugo Chávez et le président paraguayen Nicanor Duarte Fruto. Mais en fin de compte, la Banque du Sud n’a pas fonctionné. Aucun crédit n’a été accordé au cours des quinze années qui ont suivi sa création.

  Sommaire  

J’ai écrit un livre décrivant le contexte dans lequel la Banque du Sud est née et les obstacles rencontrés dès le début. C’est Hugo Chavez qui en a eu l’idée. Je dirais que c’est l’apogée de sa vision du besoin d’intégration de l’Amérique latine face aux États-Unis qui voulaient lancer l’Accord de libre-échange des Amériques (ALCA). L’Amérique latine avait besoin d’une alternative à l’offensive américaine et aux politiques néolibérales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, ainsi qu’à des organisations telles que la Banque interaméricaine de développement, basée à Washington et également dominée par les États-Unis.

 Pourquoi cela n’a-t-il pas bien fonctionné ?

Ruy Mauro Marini a caractérisé le Brésil comme étant un impérialisme périphérique tirant avantage de ses relations avec les pays voisins moins puissants que lui

La position du Brésil en tant que première puissance économique d’Amérique latine a largement contribué au problème. Pour comprendre la place particulière du Brésil, il est important de se pencher sur les travaux de l’économiste marxiste brésilien Ruy Mauro Marini [1], membre de l’école de la dépendance. Ruy Mauro Marini, ainsi que d’autres auteurs marxistes comme le brésilien Theotônio dos Santos et André Gunder Frank des Pays-Bas, ont examiné le rôle du Brésil comme puissance régionale dans les années 1960. Ruy Mauro Marini a caractérisé le Brésil comme étant un impérialisme périphérique tirant avantage de ses relations avec les pays voisins moins puissants que lui : la Bolivie, l’Équateur, le Venezuela, le Paraguay, l’Uruguay et, d’une certaine manière, l’Argentine. Depuis les années 1960, le Brésil se comporte comme une puissance « sous-impérialiste » avec ses grandes entreprises comme Vale Rio Doce [2], Petrobras [3], Odebrecht [4], Eletrobras. Bien sûr, le contexte international a changé, notamment avec la création des BRICS il y a une quinzaine d’année et la montée en puissance de la Chine. Mais la caractérisation du Brésil comme impérialisme périphérique correspond encore à la réalité présente.

Le gouvernement de Lula a participé à la négociation concernant la création de la Banque du Sud. Cependant, le Brésil dispose d’une banque de développement appelée Banque nationale de développement économique et social (BNDES). Cette banque accorde des crédits aux grandes entreprises brésiliennes telles qu’Odebrecht, Vale do Rio Doce, Petrobras, etc. afin de leur permettre d’augmenter et de renforcer leurs activités à l’étranger [5]. Le Brésil a entamé des négociations avec la Banque du Sud d’une manière qui a paralysé les négociations, considérant cette banque comme concurrente de sa propre BNDES.
Cela a entravé le démarrage effectif de la Banque du Sud.

 Pourquoi la tentative de créer une banque du Sud était-elle importante ?

Par exemple, une Banque du Sud pourrait aider au financement d’un vaste projet de reconnexion ou connexion/complémentarité des réseaux ferroviaires à travers le continent latino-américain

Les peuples du Sud global ont besoin d’un réseau de banques du Sud qui fonctionne de manière transparente et démocratique, avec la règle « un pays, une voix » pour financer des projets d’intégration des peuples. Par exemple, une Banque du Sud pourrait en aider au financement d’un vaste projet de reconnexion ou connexion/complémentarité des réseaux ferroviaires à travers le continent latino-américain au lieu du développement exclusif des axes routiers et des voies aériennes. Une banque du Sud pourrait contribuer à financer, la mise sur pied d’une industrie pharmaceutique pour la production de médicaments génériques, y compris avec des accords avec les services de santé et les laboratoires cubains qui font un travail remarquable. Si cela s’était produit, l’Amérique latine aurait pu affronter la pandémie de coronavirus d’une manière beaucoup plus efficace que ce qui s’est passé entre 2020 et 2022, des centaines de milliers de vies auraient été épargnées. Du point de vue économique, l’Amérique du sud se trouverait dans une situation très différente de la situation actuelle, où l’on assiste à un processus de re-primarisation de ses activités, c’est-à-dire à une désindustrialisation relative et à une plus grande dépendance des économies latino-américaines à l’égard de l’exportation de matières premières. Dans le cas de l’Argentine, le soja transgénique est destiné à la Chine et à l’Europe. Il y a aussi la dépendance argentine par rapport à l’exploitation de ses ressources minérales et fossiles. Dans le cas du Brésil, il y a aussi le soja transgénique et le pétrole. Le Venezuela dépend uniquement des exportations de pétrole. Le Chili, l’Équateur, le Pérou, la Bolivie dépendent aussi largement de leurs exportations de matières premières et de produits agricoles.

Lire également : Éric Toussaint « La Banque du Sud est une alternative, pas celle des BRICS »

En octobre 2008, j’ai donné une conférence à Caracas, à l’école de planification, dans le cadre du séminaire international intitulé « Réponses du Sud à la crise économique mondiale ». Les autres intervenants du panel étaient : Hugo Chavez, président de la République bolivarienne du Venezuela, Haiman El Troudi, ministre de la planification (Venezuela), Claudio Katz, économiste de gauche (Argentine) et Pedro Paez, ministre de la coordination de la politique économique (Équateur). L’intégralité de la conférence a été retransmise en direct par la télévision publique vénézuélienne. Vous pouvez lire la transcription complète de ma conférence [6]. Elle a été publiée par le gouvernement d’Hugo Chavez sur le site web du gouvernement, avec les autres contributions (le document est en espagnol). Le titre de ma présentation est « Amérique latine : en faveur de l’intégration régionale et d’un détachement partiel du marché capitaliste mondial. Nous devons tirer les leçons du 20e siècle pour les appliquer au début du 21e siècle » (voir des extraits plus loin). Sur le fond, je n’ai rien à changer à l’analyse que j’ai présentée en 2008, et en ce qui concerne ce que devrait être une véritable intégration des peuples d’Amérique latine, les propositions que j’ai faites restent valables.

J’ai lu les remarques que Luis Inácio Lula a faites début 2023, quand il est redevenu président, concernant la perspective de création d’une monnaie latino-américaine. Pendant sa présidence, de 2003 à 2011, j’ai critiqué sa politique parce qu’il a adopté une stratégie de conciliation avec les États-Unis et d’autres grands pays, ainsi qu’avec les grandes entreprises, tant au niveau national qu’international, au lieu de mettre en œuvre des réformes radicales. Je le connais personnellement, ayant eu des relations politiques directes avec lui de 1990 jusqu’à son élection à la fin de 2002 et son ascension à la présidence en 2003. Ma dernière rencontre avec lui a eu lieu à Genève en juin 2003, en marge d’un sommet du G8. Cependant, l’écart entre ses paroles et ses actes a causé beaucoup de déception. Il n’a pas voulu ou su mener une politique avancée contrairement à ce que souhaitait Hugo Chavez.

Pour en savoir plus lire : Brésil : de Lula à Bolsonaro

Bien entendu, je soutiens pleinement le président Lula et son gouvernement contre les néo-fascistes bolsonaristes et contre les tentatives de déstabilisation ou de coup d’État qui menacent son gouvernement. Le CADTM agit avec d’autres mouvements et partis à la réalisation d’une conférence internationale importante au Brésil afin de lutter contre les défis mondiaux posés par l’extrême droite et les menaces néo-fascistes. Elle aura lieu à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024 et sera suivie probablement d’une grande conférence en 2025, également au Brésil. Nous devons tirer des leçons politiques spécifiques du succès de l’alliance PT-PSOL au Brésil pour se libérer du gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro grâce à une large politique d’alliances politiques et sociales….

Mais je ne pense pas que Lula contribuera réellement à la création d’une monnaie commune avec d’autres pays d’Amérique du Sud ou à la relance de la Banque du Sud qui est en panne depuis sa naissance en 2008. Le Brésil est engagé dans les BRICS et ceux-ci ne proposent pas un modèle alternatif à celui promis par les puissances impérialistes traditionnelles (États-Unis, Europe occidentale, Japon).

Pour en savoir plus, lire : Les BRICS et leur Nouvelle banque de développement offrent-ils des alternatives à la Banque mondiale, au FMI et aux politiques promues par les puissances impérialistes traditionnelles ?, publié le 18 avril 2024,

Je reprends ici intégralement un passage de la conférence que j’ai donnée à Caracas le 8 octobre 2008 en présence de Hugo Chavez [7] :

Beaucoup de retard a été pris au niveau du lancement de la Banque du Sud. Les discussions ne sont pas menées à fond. Il faut sortir de la confusion et donner un contenu clairement progressiste à cette nouvelle institution dont la création a été décidée en décembre 2007 par sept pays d’Amérique du Sud.

La Banque du Sud doit être une institution démocratique (un pays = une voix) et transparente (audit externe). Plutôt que de financer avec l’argent public de grands projets d’infrastructure peu respectueux de l’environnement réalisés par des entreprises privées dont l’objectif est de faire un maximum de profit, il faut soutenir les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir des politiques telles que la souveraineté alimentaire, la réforme agraire, le développement de la recherche dans le domaine de la santé et la mise en place d’une industrie pharmaceutique produisant des médicaments génériques de haute qualité, renforcer les moyens de transport collectif par voie ferrée, utiliser des énergies alternatives en limitant l’épuisement des ressources naturelles, protéger l’environnement, développer l’intégration des systèmes d’enseignement…

Contrairement à une idée reçue, le problème de la dette publique n’est pas surmonté. Certes, la dette publique externe a diminué mais elle a été largement remplacée par une dette publique interne qui dans certains pays a pris des proportions tout à fait démesurées (Brésil, Colombie, Argentine, Nicaragua, Guatemala) au point de dévier vers le capital financier parasitaire une partie considérable du budget de l’État. Il convient de suivre l’exemple de l’Équateur qui a mis en place une commission d’audit intégral de la dette publique externe et interne afin de déterminer la part illégitime, illicite ou illégale de la dette. A l’heure où, suite à des opérations aventureuses, les grandes banques et autres institutions financières privées des Etats-Unis et d’Europe effacent des dettes douteuses pour un montant qui dépasse de loin la dette publique externe de l’Amérique latine à leur égard, il faut constituer un front des pays endettés pour obtenir une annulation de la dette, d’autant que les créanciers sont mobilisés sur d’autres fronts bien plus inquiétants pour eux.

Il faut aussi auditer et contrôler strictement les banques privées car elles risquent d’être emportées par la crise financière internationale. Il faut éviter que l’État soit amené à nationaliser les pertes des banques comme cela s’est passé tant de fois dans le passé (Chili sous Pinochet, Mexique en 1995, Équateur en 1999-2000, etc.). S’il faut nationaliser des banques au bord de la banqueroute, cela doit se faire sans indemnisation et en exerçant un droit de réparation sur le patrimoine de leurs propriétaires.

Par ailleurs, de nombreux litiges ont surgi ces dernières années entre les États de la région et des multinationales, qu’elles soient du Nord ou du Sud. Au lieu de s’en remettre au CIRDI , le tribunal de la Banque mondiale dominé par une poignée de pays industrialisés, les pays de la région devraient suivre l’exemple de la Bolivie qui en est sortie. Ils devraient créer un organe régional de règlement des litiges en matière d’investissement. En matière juridique, les États latino-américains devraient appliquer la doctrine Calvo en refusant de renoncer à leur juridiction en cas de litige avec des États ou des entreprises privées. Comment peut-on encore signer des contrats d’emprunt ou des contrats commerciaux qui prévoient qu’en cas de litige, seules sont compétentes les juridictions des États-Unis, de Grande Bretagne ou d’autres pays du Nord ? Il s’agit d’un renoncement inacceptable à l’exercice de la souveraineté.

Il convient aussi de rétablir un contrôle strict sur les mouvements de capitaux et sur les changes afin d’éviter une fuite des capitaux et des attaques spéculatives contre les monnaies de la région. Il est nécessaire d’avancer vers une monnaie commune entre les États qui veulent concrétiser le projet bolivarien d’intégration latino-américaine pour plus de justice sociale.

Bien sûr, il faut une dimension politique de l’intégration : un parlement latino-américain élu au suffrage universel dans chaque pays membre et doté de véritables pouvoirs législatifs. Dans le cadre de la construction politique, il faut éviter de reproduire le mauvais exemple européen dans lequel la Commission européenne (c’est-à-dire le gouvernement européen) dispose de pouvoirs exagérés par rapport au parlement. Il faut aller vers un processus constituant démocratique afin d’adopter une Constitution politique commune. Là aussi, il faut éviter de reproduire le processus antidémocratique utilisé par la Commission européenne pour tenter d’imposer un traité constitutionnel sans la participation active des citoyen·nes et sans soumettre le projet à un référendum dans chaque pays membre. Au contraire, il faut suivre l’exemple des assemblées constituantes du Venezuela (1999), de Bolivie (2007) et d’Équateur (2007-2008). Les avancées démocratiques importantes qui ont été acquises au cours de ces trois processus devraient être intégrées dans un processus constituant bolivarien.

Il est également nécessaire de renforcer les compétences de la Cour interaméricaine de justice notamment en matière de garantie du respect des droits humains qui sont indivisibles.

Jusqu’ici, plusieurs processus d’intégration coexistent : Communauté andine des Nations, Mercosur, Unasur, Caricom, Alba… Il est important d’éviter la dispersion et d’adopter un processus intégrateur avec une définition politico-sociale basée sur la justice sociale. Ce processus bolivarien devrait réunir tous les pays d’Amérique latine (Amérique du Sud, Amérique centrale et Caraïbe) qui adhèrent à une telle orientation. Il vaut mieux commencer la construction commune avec un noyau restreint et cohérent qu’avec un ensemble hétéroclite d’États dont les gouvernements appliquent des politiques sociales et politiques contradictoires, voire antagoniques.

L’intégration bolivarienne doit aller de pair avec une déconnexion partielle par rapport au marché capitaliste mondial. Il s’agit de supprimer progressivement les frontières qui séparent les États qui participent au projet, en réduisant les asymétries entre pays membres notamment grâce à un mécanisme de transfert de richesses des États les plus « riches » vers les plus « pauvres ». Cela permettra d’élargir considérablement le marché intérieur et favorisera le développement des producteurs/trices locaux/les sous différentes formes de propriété. Cela permettra de remettre en vigueur le processus de développement (pas seulement l’industrialisation) par substitution d’importation. Bien sûr, cela implique, par exemple, de développer une politique de souveraineté alimentaire. Dans le même temps, l’ensemble bolivarien constitué par les pays membres se déconnectera partiellement du marché capitaliste mondial. Cela impliquera notamment d’abroger des traités bilatéraux en matière d’investissement et de commerce. Les pays membres de l’ensemble bolivarien devraient également sortir d’institutions comme la Banque mondiale, le FMI et l’OMC tout en promouvant la création de nouvelles instances mondiales démocratiques et respectueuses des droits humains indivisibles.

Comme indiqué plus haut, les États membres du nouvel ensemble bolivarien se seront dotés de nouvelles institutions régionales comme la Banque du Sud qui développeront des relations de collaboration avec d’autres institutions similaires regroupant des États dans d’autres régions du monde.

Les États membres du nouvel ensemble bolivarien agiront avec un maximum d’États tiers pour une réforme démocratique radicale du système des Nations unies afin de faire passer dans la pratique la Charte des Nations unies et les nombreux instruments internationaux favorables à l’application des droits humains tels le Pacte international de droits économiques sociaux et culturels (1966), la Charte sur les droits et les devoirs des États (1974), la Déclaration sur le droit au développement (1986), la Résolution sur les droits des peuples indigènes (2007). De même, ils prêteront leur concours à l’action de la Cour pénale internationale et à la Cour internationale de justice de La Haye. Ils favoriseront l’entente entre les États et les peuples afin d’agir pour limiter au maximum le changement climatique car celui-ci représente un terrible danger pour l’humanité.

La tâche est ardue, mais les perspectives sont tracées et elles sont particulièrement enthousiasmantes car elles ouvrent les champs du possible, dans un monde enfin basé sur le respect absolu de l’humain et de l’environnement. Il faut s’y précipiter sans tarder.

Notes

[1] Ruy Mauro Marini (1973) The Dialectics of Dependency, Monthly Review, New York, 2022 https://monthlyreview.org/product/the-dialectics-of-dependency/

[2] Voir le site officiel en anglais et en portugais mettant l’accent de manière propagandiste sur le respect de l’environnement et le dialogue avec les populations concernées : https://vale.com/

[3] Voir le site officiel https://petrobras.com.br/en/ qui fait également du greenwashing

[4] Odebrecht a été au cœur d’une longue série de scandales de corruption, voir notamment : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Odebrecht

[5] Pour plus d’infos sur le rôle de la BNDES : Caio Bugiato, « A política de financiamento do BNDES e a burguesia brasileira », in Cadernos do Desenvolvimento, http://www.cadernosdodesenvolvimento.org.br/ojs-2.4.8/index.php/cdes/article/view/125/128 et LEONARDO RODRIGUES DE LIMA, « INTEGRAÇÃO E COOPERAÇÃO FINANCEIRA NA AMÉRICA DO,SUL : A INFLUÊNCIA DO NEODESENVOLVIMENTISMO DOS,GOVERNOS LULA E DILMA (2003-2015) E O PAPEL DO BNDES », UNIVERSIDADE FEDERAL DO RIO DE JANEIRO,INSTITUTO DE ECONOMIA,PROGRAMA DE PÓS-GRADUAÇÃO EM ECONOMIA POLÍTICA INTERNACIONAL, 2024

[6] Éric Toussaint, « Amérique latine : pour une intégration continentale et une déconnexion partielle du marché mondial capitaliste », publié le 14 octobre 2008, https://www.cadtm.org/Amerique-latine-pour-une

[7] La version complète de cette contribution est disponible ici : Éric Toussaint, « Amérique latine : pour une intégration continentale et une déconnexion partielle du marché mondial capitaliste », publié le 14 octobre 2008, https://www.cadtm.org/Amerique-latine-pour-une

Auteur.e

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale – Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

Autres articles en français de Eric Toussaint (1008)

Source – cadtm.org

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JOYEUX ANNIVERSAIRE CAMARADE KARL HENRY MARX !!! https://asiacommune.org/2024/05/09/joyeux-anniversaire-camarade-karl-henry-marx/ https://asiacommune.org/2024/05/09/joyeux-anniversaire-camarade-karl-henry-marx/#respond Thu, 09 May 2024 16:50:01 +0000 https://asiacommune.org/?p=7203 Le 5 mai est né Karl Henry Marx à TRIR dans la province du RHIN (ALLEMAND). Il est philosophe prussien-allemand,Le 5 mai est né Karl…

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Le 5 mai est né Karl Henry Marx à TRIR dans la province du RHIN (ALLEMAND). Il est philosophe prussien-allemand,Le 5 mai est né Karl Henry Marx à TRIR dans la province du RHIN (ALLEMAND). Il est philosophe prussien-allemand,

Sociologue, Économiste, Écrivain, Poète, Journaliste politique, Linguiste, Personnalité publique, Historien.

Les ouvrages les plus célèbres sont le MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE (1848 en co-auteur avec Friedrich Engels) et la critique « CAPITAL » de l’économie politique (1867-1883). Les idées politiques et philosophiques de Marx ont cependant eu un impact énorme sur l’histoire intellectuelle, économique et politique ultérieure.

Marx a prouvé que la société humaine, à chaque étape, se développe à la suite d’une lutte de classes provoquée par des contradictions dans les intérêts des différentes classes publiques.

Le cœur du conflit est le conflit entre les propriétaires des moyens de production et les travailleurs mercenaires qui vendent leur force de travail en échange de salaires. En même temps, chacune des époques est historique, c’est-à-dire qu’elle apparaît et disparaît au fil du temps sous certaines conditions.

Le capitalisme, comme les autres systèmes socio-économiques, contient des contradictions internes qui le mèneront à travers la révolution prolétarienne pour remplacer le nouveau système.

Sur la base des travaux de Marx, les directions suivantes sont apparues.

01. EN PHILOSOPHIE

Matérialisme dialectique (interprétation matérialiste de la philosophie de Hegal)

02. DANS LES SCIENCES SOCIALES ET HUMANITAIRES

Matérialisme historique (Compréhension matérialiste de l’histoire du monde)

03. DANS L’ÉCONOMIE

 Ajout de la théorie du travail du coût des idées sur la main-d’œuvre et l’excédent de biens valeur.

04. DANS LA PRATIQUE SOCIALE ET LES SCIENCES SOCIALES ET HUMANITAIRES MODERNES

 Socialisme scientifique, Théorie de la lutte des classes

Aujourd’hui, de nombreux partis politiques et groupes présents dans le monde entier ont modifié ou adapté les idées de MARX.

Parailleurs, Karl Marx décrit “Je ne prétends avoir découvert ni l’existence de classes dans la société moderne, ni la lutte entre elles”.

Bien avant moi, les historiens BOURGEOIS avaient décrit le développement historique de cette lutte entre les deux dans leur anatomie économique.

MA PROPRE CONTRIBUTION ÉTAIT,

01. Montrer que l’existence des classes est simplement liée à certaines phases historiques du développement de la production.

02. Que la lutte des classes conduit nécessairement à la dictature du prolétariat.

03. Que cette dictature elle-même ne constitue rien de plus qu’une transition vers l’abolition de toutes les classes et vers une société sans classes.

COMMUNE D’ASIE

Asiacommune.org

asiacommune22@gmail.com

00 33 6 52 12 44 84.

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Rui Viana Pereira, CADTM Portugal : “Le faste sera investi pour dénaturer l’esprit révolutionnaire du 25 avril” https://asiacommune.org/2024/05/06/rui-viana-pereira-cadtm-portugal-le-faste-sera-investi-pour-denaturer-lesprit-revolutionnaire-du-25-avril/ https://asiacommune.org/2024/05/06/rui-viana-pereira-cadtm-portugal-le-faste-sera-investi-pour-denaturer-lesprit-revolutionnaire-du-25-avril/#respond Mon, 06 May 2024 17:10:35 +0000 https://asiacommune.org/?p=7167 CC – Peinture murale de Henrique Matos accompagnée de la phrase « 25 de Abril SEMPRE » (25 avril toujours) Les élections du 10 mars au Portugal…

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CC – Peinture murale de Henrique Matos accompagnée de la phrase « 25 de Abril SEMPRE » (25 avril toujours)

Les élections du 10 mars au Portugal ont-elles changé le paysage politique ? Le pays échappe-t-il à la montée de l’extrême droite alors que sa constitution n’autorise pas la formation de partis fascistes ? Que signifient les commémorations des cinquante ans de la révolution des œillets ? Quels rôles jouent les partis de gauche ?
Rui Viana Pereira, membre du Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes, nous répond pour mieux cerner la situation politique au Portugal.
(Cette interview a été réalisée le 24 avril).

  Sommaire  

 Le Portugal préparait depuis plusieurs semaines les commémorations des cinquante ans de la révolution des œillets, comment est-ce appréhendé au sein de la classe politique ?

Les déclarations des différents secteurs de droite montrent que la célébration du cinquantième anniversaire du 25 avril (1974) tend cette année à être volontairement confondue avec la célébration du 25 novembre (1975). Pour mieux comprendre la signification de cette inflexion je propose un retour en arrière. Lorsque nous, la génération qui était jeune en 1974, nous référons au 25 avril, nous faisons référence à deux choses différentes, bien qu’étroitement liées :

1) un coup d’État militaire raisonnablement pacifique qui a renversé la dictature, sans la tentation de donner le pouvoir aux militaires, ouvrant de nouvelles perspectives d’avenir et de liberté ;
2) un processus révolutionnaire en cours (PREC, du 25 avril 1974 à novembre 1975). Au cours de ce processus, qui a duré un an et demi, des nouvelles structures populaires ont été créées ( certains auteurs parlent de pouvoir populaire), parallèlement aux structures de l’État, et souvent en chevauchement avec elles, surtout en 1975. Lors de l’été 1975, il n’existait pas encore de structure nationale de coordination des mouvements révolutionnaires, mais des assemblées communes d’habitants, de travailleurs et de soldats avaient déjà commencé à se former dans différentes régions du pays ; les structures militarisées de l’État (armée, police, etc.), d’abord entrées dans un état d’inertie, rendant inopérant l’ensemble de l’appareil répressif et armé de l’État, se sont ensuite ostensiblement rangées du côté du peuple dans toutes ses luttes contre le capital. Il s’agit donc d’une période clairement prérévolutionnaire : ceux en haut ne peuvent plus faire la loi et ceux en bas n’ont pas encore pleinement constitué un appareil de pouvoir.

Quand on se réfère au 25 novembre, on se réfère à un coup d’État militaire contre-révolutionnaire, réalisé par une petite fraction réactionnaire de l’armée, qui n’a pas été combattue en bloc par les fractions révolutionnaires de l’armée. Ce coup d’État militaire a mis fin au PREC, avec la complicité de l’extrême droite, de la droite, du PS et même du PC. Pour comprendre l’attitude apparemment inattendue du PC, il faut se rappeler que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le parti était ” ligoté ” par les accords de partage entre l’URSS et l’Occident, dans lesquels l’Europe (à gauche du rideau de fer) ne devait pas être le théâtre de révolutions encouragées par l’URSS ou par des partis communistes locaux fidèles à Moscou – une telle confrontation pouvait avoir lieu en Afrique, en Amérique du Sud et dans certaines parties de l’Asie mais pas sur le continent européen.

La particularité du coup d’État militaire contre-révolutionnaire du 25 novembre 1975 est que ses principaux dirigeants n’avaient pas l’intention d’instaurer un régime autoritaire ou de mettre les militaires au pouvoir, mais d’établir une démocratie parlementaire représentative, mettant fin à une situation pré-révolutionnaire qui menaçait d’embraser tout le bassin méditerranéen. La CIA et l’ambassadeur américain ont évidemment joué un rôle important dans ce coup d’État.

En résumé, au moment où je vous écris ces réponses, je ne peux pas garantir ce que seront les commémorations du 25 avril mais tout porte à croire que tout le faste sera investi pour dénaturer l’esprit révolutionnaire du 25 avril, en louant l’esprit contre-révolutionnaire du 25 novembre, qui deviendrait officiellement le “véritable esprit” du 25 avril, « la véritable liberté ». C’est peut-être le bon moment pour rappeler une chanson de Sérgio Godinho, « La Liberté », qui nous donne une définition matérielle de liberté et les moyens de diagnostiquer si elle est vivante ou non : « Il n’y a pas de vrai liberté sauf s’il y a : la paix, le pain, habitation, santé, éducation. Il n’y a pas de vrai liberté sauf s’il y a : la liberté de changer et de décider et de rendre au peuple tout ce que le peuple produit. » Ce n’est pas difficile d’en conclure que penser de la situation actuelle.

 Quels sont les niveaux d’influence de l’extrême droite au sein de la société ?

Tout d’abord, je tiens à souligner que les élections du 10 mars 2024 ont abouti à un rapport de force problématique au Parlement. La droite (PSD + CDS + IL + Chega) est désormais majoritaire au Parlement. L’ultra-droite (Chega) a obtenu 50 sièges (sur un total de 230).

Tous les commentateurs et leaders politiques disent que l’ascension de Chega correspond à un « vote de protestation » : ses électeurs étaient désillusionnés par les politiques des partis qui gouvernent le pays depuis quarante-huit ans (PS, PSD, CDS) et c’est pour cela qu’ils ont voté Chega. J’ai une opinion opposée : je pense que les votes Chega, en général, étaient des « votes de conviction » et non de protestation. Mon explication de cette explosion électorale de l’ultra-droite est simple : le fait que les institutions aient accepté la légalisation du Chega a légitimé une série d’attitudes et de propositions politiques qui, jusqu’à présent, étaient « honteuses » ou même taboues au Portugal. Mais cette couche de citoyens existait déjà depuis cinquante ans, elle se cachait dans l’armoire : racistes, misogynes, nationalistes, rétrogrades à bien des égards. Ils prônent la castration chimique, l’emprisonnement à vie, sont contre le mariage homosexuel, contre l’interruption volontaire de grossesse, etc. Il convient de garder à l’esprit que la révolution portugaise était tolérante et pratiquement sans effusion de sang. C’est pourquoi des milliers de fascistes sont sortis indemnes et ont même réussi à se maintenir à des postes publics importants (tout comme en Espagne). Des milliers de personnes qui ont collaboré avec la police politique pendant la dictature n’ont été ni jugées ni punies. Ils ont fait semblant de se rendre à la démocratie. Aujourd’hui, avec la légitimation d’un parti néo-fasciste au parlement, ils sont sortis de l’armoire, sont revenus à la lumière du jour et expriment agressivement leurs opinions. Dire que ces électeurs ne sont pas néofascistes, qu’ils sont des victimes innocentes du populisme de droite, c’est comme dire (comme beaucoup de gens le font) qu’il n’y a pas de racisme ou de xénophobie au Portugal. C’est un mensonge pour masquer une réalité douloureuse.

  La presse vante le succès de l’extrême droite auprès des jeunes, est-ce sérieux d’affirmer cela ?

Beaucoup de choses infondées ont été dites sur les électeurs de droite et d’extrême droite et sur les tendances populaires dans ce sens. Comme d’habitude, ce n’est pas la réalité qui prévaut, mais la perception de la réalité construite par les médias et les réseaux sociaux.

Il existe cependant quelques études sociologiques réalisées ces dernières années, c’est sur elles que nous devrions nous baser, même si elles n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.

L’une de ces études, datée de janvier 2023, nous apprend que la majorité des jeunes (46%) se considèrent de gauche ; 34% se disent au centre (quoi que cela veuille dire…), 20% sont de droite. Comme vous pouvez le constater, il est donc faux de dire que la majorité des jeunes se situent à droite.

Le déséquilibre révélé par cette enquête est le suivant : la majorité des jeunes n’adhère pas à un parti, ne participe pas aux campagnes électorales, n’adhère pas à un syndicat ou à une autre association de classe. En revanche, un pourcentage élevé de jeunes de droite adhère et milite dans des partis de droite et d’ultra-droite.

Une autre enquête sociologique datant également de 2023 montre que, contrairement à ce qui était traditionnel au Portugal, les femmes tendent désormais plus à gauche que les hommes (rejoignant ainsi la tendance générale européenne). Ce résultat est cohérent avec deux autres : le niveau d’éducation des sympathisants de l’ultra-droite est inférieur à la moyenne ; et les femmes portugaises sont actuellement plus diplômées que les hommes.
Le manque de culture et de formation politique chez les jeunes est assez bas, même chez les militants des partis !

J’ai pu constater, à de nombreuses reprises, que les jeunes générations ne maîtrisent même pas les techniques/éthiques les plus élémentaires pour agir dans une assemblée – ils ne savent pas comment une assemblée doit être organisée/gérée, comment l’intervention et la discussion doivent être guidées efficacement, un ordre du jour…

Tout cela laisse un vaste champ de manœuvre aux forces populistes. Au lendemain du PREC, les élèves savaient organiser des assemblées, prendre des décisions et lutter contre la direction administrative et politique de l’éducation ; l’école était gérée démocratiquement, il y avait des assemblées d’élèves, d’enseignants et de personnel. Le néolibéralisme a supprimé la démocratie à l’école et a rétabli la hiérarchie. C’est pourquoi je ne suis pas surpris par la facilité avec laquelle certains secteurs des nouvelles générations se laissent séduire par les partis ultra-libéraux et d’extrême-droite.

En ce qui concerne le manque de militantisme organisé mentionné dans l’étude précitée, une des conclusions à tirer est que nous vivons une crise de la représentation : les jeunes de gauche ne se sentent pas représentés dans les partis traditionnels et les syndicats. Et comme ils n’ont pas pris l’habitude d’exercer la démocratie directe à l’école, ils ne comprennent pas non plus l’intérêt de construire des associations autonomes d’intérêt ou de classe.

 Pourquoi la législature a été interrompue à mi-parcours, provoquant les élections de mars ?

À mi-parcours de la législature de quatre ans, issue des élections de 2021, qui avaient donné la majorité absolue au Parti socialiste, la nouvelle est tombée que le ministère public menait une enquête sur la corruption et le trafic d’influence au sein du gouvernement. Le nom du Premier ministre António Costa est apparu dans les informations. Bien que les communiqués des enquêteurs n’indiquent pas clairement si le Premier ministre est ou non accusé de malversations, António Costa a réagi immédiatement à la nouvelle en présentant sa démission au Président de la République, ce qui entraînait la démission de l’ensemble du gouvernement.

Le président de la République (le régime portugais est semi-présidentiel) a accepté la démission d’António Costa, ce qui laissait deux options ouvertes en vertu de la Constitution portugaise : soit le président acceptait la nomination d’un nouveau gouvernement, avec un nouveau premier ministre proposé par le parti majoritaire à l’Assemblée, soit il dissolvait l’Assemblée et convoquait des élections anticipées. Bizarrement, le Président Marcelo Rebelo de Sousa a choisi d’ignorer le fait qu’il y avait un parti avec une majorité absolue (le PS). Il a dissous l’Assemblée et a programmé des élections anticipées pour le 10 mars 2024.

 Pourquoi parlez-vous de crise de régime ? La corruption est-elle réellement en hausse ?

Le gouvernement de la République n’a pas été le seul à tomber. Le Portugal compte deux régions autonomes (Madère et les Açores), chacune dotée d’une assemblée régionale et d’un gouvernement régional. Là aussi, il y a une crise politique : aux Açores, le gouvernement, basé sur une majorité relative du PSD, n’a pas pu garder ses alliés au parlement et a été renversé, ce qui a conduit à des élections régionales anticipées ; à Madère, une autre affaire de corruption faisant l’objet d’une enquête a conduit à la chute du gouvernement. En bref, nous assistons à une crise généralisée des institutions du pouvoir, causée en grande partie par des enquêtes sur la corruption, le trafic d’influence, les avantages personnels indus, etc.

Il semblerait que nous assistons à une augmentation de la corruption au Portugal, mais en fait ce qui a augmenté n’est pas la pratique réelle de la corruption, plutôt la perception de la corruption, alimentée par les médias et une prolifération d’enquêtes menées par le ministère public (la plupart d’entre elles étant d’ailleurs infructueuses).

La pratique des « portes tournantes » est bien connue depuis des décennies, c’est-à-dire le fait que les dirigeants politiques, lorsqu’ils quittent le gouvernement, obtiennent des postes de direction dans de grandes entreprises (nationales ou multinationales) dans le secteur qu’ils ont supervisé, et vice versa, révélant ainsi la profonde promiscuité d’intérêts et de faveurs entre le secteur public et le secteur privé. À mon avis, l’agitation de ces portes tournantes n’a ni augmenté ni diminué depuis au moins quarante ans, la grande différence est qu’elle est devenue beaucoup plus visible.

Les partis du « centron » appliquent depuis des années les mesures néolibérales

 Comment est apparu le parti d’extrême droite Chega ?

Nous assistons ces dernières années à une transformation profonde des schémas représentatifs de la droite, c’est-à-dire de la représentation des intérêts du capital et de ses projets politiques. Les partis classiques de centre-droit et de droite sont cannibalisés par de nouveaux partis d’extrême droite et ce qu’on pourrait appeler des (néo)libéraux radicaux. Ce phénomène provoque une grande instabilité dans le système représentatif des partis et affecte le fonctionnement des institutions du pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire).

Jusqu’en 2019, il n’y avait pas de représentants de partis fascistes, néo-nazis, libéraux radicaux, etc., à l’Assemblée de la République. En effet, la Constitution portugaise n’autorise pas la formation de partis fascistes ou d’organisations faisant appel à la haine raciale ou ethnique – une précaution bien compréhensible dans un pays qui a subi quarante-huit ans de dictature fasciste et treize ans de guerre coloniale jusqu’en 1974.

Avec les élections législatives de 2019, cette situation a été profondément bouleversée par la création de deux nouveaux partis : l’Initiative libérale (le nom dit tout, c’est une sorte de machine à remonter le temps qui nous ramène au XIXe siècle) et Chega [Assez !] Un parti d’inspiration clairement fasciste, bien qu’il soit obligé de le camoufler dans ses statuts et son programme pour contourner les règles constitutionnelles. Ce qui ne l’empêche pas de compter dans ses rangs des personnes condamnées pour des crimes de haine et des meurtres d’activistes, d’Africains et d’homosexuels. Chacun de ces deux partis a obtenu un siège au parlement en 2019, avec 1,35 % des voix.

Aux élections législatives de 2022, aidés par les médias dominants, les deux nouveaux partis font un bond étonnant en nombre de voix : Iniciativa Liberal passe de 1 à 8 députés (5,05 % des voix) ; Chega passe de 1 à 12 députés (7,38 % des voix). Un vent de panique commence à souffler sur les milieux démocratiques et de gauche portugais : il ne fait plus aucun doute que la vague d’extrême droite est finalement arrivée au Portugal.

La droite a perdu la peur de se révéler telle qu’elle est

 Que se passe-t-il concernant les arrangements parlementaires entre les grands partis (PS et PSD) et les petits partis ?

Souvent, même si un parti n’a qu’un seul député, il peut déséquilibrer les votes. Même s’il n’y a pas de coalition ou d’accord écrit, leur soutien est acheté au prix de petites concessions de la part des grands partis. C’est ce qui s’est passé lors de la législature 2015-2019, permettant à un gouvernement PS minoritaire de survivre, soutenu par les partis situés à sa gauche.

La montée de Chega et d’Iniciativa Liberal n’est pas surprenante : les partis du « centron » appliquent depuis des années les mesures néolibérales que les partis d’extrême droite appellent également de leurs vœux. Pour ainsi dire, les partis classiques, dits démocratiques et défenseurs de l’État-providence, ont ouvert la voie aux partis d’extrême droite et préparé la défaite finale de l’État-providence et l’entrée en scène d’une droite radicale.

Il y a quelques jours, un livre intitulé « Identité et famille » a été publié, qui reprend toute l’idéologie la plus rétrograde du nationalisme et de la famille bourgeoise. Il revient plus de cent ans en arrière, en faisant à nouveau appel au nationalisme le plus rustre et en plaçant les femmes comme des êtres inférieurs et soumis dans la famille et dans la société. Lors du lancement de ce livre, auquel participaient des représentants de la droite « modérée » et de l’ultra-droite, l’un des auteurs n’a pas hésité à dire : « N’ayez pas peur de faire l’enterrement du 25 avril » (je cite de mémoire). Voilà qui définit la situation dans laquelle nous nous trouvons : il ne suffit pas de dire que la droite, dans son ensemble, a obtenu la majorité au Parlement ; il faut savoir que toute la droite a perdu la peur de se révéler telle qu’elle est, d’attaquer de front l’État-providence, de détruire les droits du travail les plus élémentaires et, s’il le faut, de détruire toutes les libertés et les conquêtes obtenues le 25 avril.

 Pouvez-vous expliquer les causes socio-économiques de cette évolution ?

L’application systématique des mesures néolibérales a entraîné d’énormes problèmes sociaux, une baisse marquée des salaires et du pouvoir d’achat, une crise dramatique du logement, une déréglementation du marché du travail, accompagnée de la perte des droits des travailleurs et du droit au travail, ainsi qu’une augmentation brutale des inégalités sociales. Tout cela a conduit une grande partie de l’opinion publique, en particulier la jeune génération, à ne plus croire aux institutions et au système démocratique représentatif, comme en témoigne le taux d’abstention de 49 % en 2019. Dans ces conditions, un parti qui fait mine de contester le système, comme Chega, réunit toutes les conditions pour attirer un certain type d’électeurs.

Prenons l’exemple du Service national de santé (SNS), qui a été l’une des réalisations populaires les plus étonnantes après le renversement de la dictature en 1974. Le PS se vante d’avoir systématiquement augmenté les ressources financières du SNS au cours des huit dernières années. Pourtant, le SNS est aujourd’hui au bord de l’effondrement, avec de nombreux services hospitaliers qui ferment par manque de ressources et de professionnels, dans certains cas, ce sont les médecins eux-mêmes qui imposent la fermeture de sections de l’hôpital (urgences, gynécologie/accouchement, oncologie, pédiatrie, etc.) car ils considèrent qu’il n’y a plus les conditions humaines et logistiques pour effectuer leur travail en toute sécurité. En effet, les budgets de l’État sont devenus une pure fiction.

En pratique, une fois approuvés, ils sont subvertis par ce que l’on appelle les « captations », qui permettent au ministre des finances de retenir l’argent alloué aux services publics. Ces retenues créent un écart considérable entre le budget nominal et le budget réellement exécuté (environ 50 %). En outre, environ la moitié de l’argent réellement alloué au SNS est détournée vers le secteur médical privé par le biais d’une série d’astuces administratives et opérationnelles. Au final, il n’y a plus de ressources pour embaucher des professionnels de la santé à un salaire décent, et ceux-ci émigrent en masse, soit vers le secteur privé, soit à l’étranger.

Face à la menace du démantèlement de l’État-providence, des services publics et des différents droits et garanties, la gauche à la gauche du PS a été réduite au rôle de résistante. Le projet de transformation de la société, en tout ou en partie, a disparu de son discours politique. Au lieu d’un projet global de construction d’une société plus juste, nous avons assisté ces dernières années à l’émergence de la lutte pour des « causes » isolées (environnement, genre, droits des animaux, etc.), sans lien évident avec la lutte contre une société capitaliste au sens global et structurel du terme.

Le rôle de la gauche parlementaire portugaise dans cette période est donc de lutter bec et ongles pour le maintien de l’État providence et la réduction, même modeste, des inégalités sociales.

 Quelle est la structure économique du pays actuellement ?

L’économie portugaise tend à être dominée par des activités hautement rentières, en particulier l’immobilier, le tourisme, la finance, la distribution et l’entreposage. Le gouvernement a permis la culture extensive de l’eucalyptus (il y a plus d’eucalyptus ici que dans toute l’Europe), donc l’industrie du papier a aussi un pouvoir immense. Les bas salaires et la production à faible valeur ajoutée prédominent.

Dans les années à venir, le secteur extractif promet d’occuper une part importante du chiffre d’affaires, car les réserves de lithium du pays sont les plus importantes d’Europe (huitième au monde) et la main-d’œuvre est bon marché. Tout cela place le Portugal dans une position clairement périphérique au sein de l’Union européenne.

Face à cette situation, la gauche propose un changement structurel du tissu économique portugais, en misant sur le développement technologique et les activités de production à haute valeur ajoutée, sur la qualification des travailleurs, sur l’amélioration de la souveraineté alimentaire. Elle y ajoute un ensemble de mesures d’incitation à l’investissement productif (historiquement difficile à réaliser au Portugal sans intervention de l’État) et une augmentation des salaires à un niveau compatible avec la moyenne européenne.

La droite, bien qu’elle affirme également la nécessité d’améliorer les performances de l’économie portugaise, n’a jusqu’à présent présenté aucun plan pour la sortir du bourbier dans lequel elle se trouve. Il s’ensuit que leurs promesses électorales de développement mourront le lendemain des élections, comme d’habitude, et que les intérêts privés qu’ils défendent s’accommodent de la situation économique actuelle, pourvu qu’ils obtiennent quelques avantages fiscaux supplémentaires.

Les promesses de toute la droite reposent sur un principe omniprésent dans ses programmes électoraux : la pensée magique ! Ils partent du mythe qu’en baissant les impôts sur les entreprises, celles-ci vont gentiment augmenter les salaires d’elles-mêmes, répandant le bonheur général sur la surface de la terre. En effet, la réduction des impôts sur les revenus des sociétés était la première mesure politique du nouveau gouvernement de droite.

Il reste maintenant à voir comment la gauche parlementaire et les mouvements sociaux vont lutter contre cette montée de la droite.

Source : Investig’Action

Auteur.e

Rui Viana Pereira

est traducteur et sonoplaste, co-fondateur du Comité pour l’audit de la dette publique portugaise (CADPP), membre de Démocracie & dette. Avec Renato Guedes il a publié « Qui paye l’État providence au Portugal ? » (in Quem Paga o Estado Social em Portugal ?, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2012) et « Et s’il y avait le plein emploi ? » (in A Segurança Social É Sustentável, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2013).

Autres articles en français de Rui Viana Pereira (13)

Source www.cadtm.org

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L’originalité et l’importance de la 1re conférence mondiale anti fasciste qui se réunit à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024

3 mai par Eric Toussaint

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Le CADTM exprime toute sa solidarité avec les victimes des inondations qui ont touché l’État de Rio Grand do Sul. La solidarité s’organise sur place, où au moins 66 personnes sont mortes et 80 000 personnes ont été déplacées. Le comité organisateur de la conférence évalue la situation au jour le jour.

  Sommaire  

 Quelle est l’originalité de la conférence qui se déroule à Porto Alegre du 17 au 19 mai 2024 ?

Au cours des dernières années, face à la (re)montée de l’extrême-droite au niveau mondial plusieurs conférences internationales ont eu lieu. Généralement, elles étaient organisées par un parti politique ou par une même famille politique, ou encore par une fondation particulière, par exemple la Fondation Rosa Luxembourg.

L’originalité de la présente initiative : elle est organisée par plusieurs partis et a le soutien d’autres partis politiques de gauche qui ont mis de côté pour cette occasion les désaccords qui les séparent. En l’occurrence, deux partis de gauche qui ont une histoire différente, le PT et le PSOL de Porto Alegre, capitale de l’État de Rio Grande do Sul, se sont mis d’accord pour convoquer ensemble cette conférence et constituer un comité organisateur local unitaire. Ils ont obtenu le soutien de leur organisation nationale. C’est la première originalité. Ce n’est pas banal quand on sait combien la gauche est divisée aux quatre coins de la planète.

La deuxième originalité : d’autres partis de gauche leur ont emboîté le pas et soutiennent cette conférence, il s’agit notamment du Parti Communiste du Brésil (PCdoB d’origine maoiste) et de l’Unité populaire.

Lire aussi : CONTRE LE FASCISME !

La troisième originalité : d’importants mouvements sociaux apportent leur soutien actif, il s’agit du Mouvement des Sans Terre (MST, membre de La Via Campesina) et des syndicats, comme ceux des personnels de l’enseignement (CEPRS), des personnels technico-administratifs des universités (Assufrgs) et la Centrale unique des Travailleurs (CUT) de l’État de Rio Grande do Sul. D’autres mouvements sociaux soutiennent également.

La quatrième originalité : tous les continents et presque toutes les grandes régions du monde seront représenté-es même si c’est de manière inégale. Il y aura des délégué·es d’Amérique du Nord, de toute (ou presque) l’Amérique latine et de la Caraïbe, d’Afrique du Nord et de la région « arabe », d’Afrique subsaharienne, d’Europe, d’Australie,…

La cinquième originalité : des réseaux internationaux comme le CADTM ou les ATTAC, des fondations comme CLACSO (le Conseil latino-américain de Sciences Sociales), le Transnational Institute basé à Amsterdam ou la Fondation Copernic basée en France seront également présents. Des organisations ou des forums politiques internationaux seront là : le Forum de Sao Paulo, la Quatrième internationale, la Ligue Internationale Socialiste (LIS), la Tendance socialiste internationale (IST en anglais)et, comme on l’espère, l’Internationale progressiste et probablement d’autres. De France, La France Insoumise et le NPA seront présents ; de l’État espagnol, Anticapitalistas, la CUP (Catalogne) et ATTAC ; du Portugal le Bloc de gauche (Bloco de Esquerda),… Des Etats-Unis : DSA (Democrat Socialist of America). D’Australie : Green Left (Gauche Verte). D’Argentine : Mouvement socialiste des Travailleurs/euses, Libres del Sur, Unidad Popular, Marabunta, MULCS, FOL, CPI, et aussil’Autoconvocatoria pour la suspension du paiement de la dette, la Revue Crisis, ATTAC-CADTM Argentine, les économistes de gauche, des syndicats comme la CTA. Pour voir la liste des « personnalités » dont la participation est confirmée, visiter https://antifas.org/appel/ (la liste déroulante se trouve en bas du programme).

La sixième originalité : alors que dans le cadre des Forums sociaux mondiaux et de leurs homologues au niveau des continents les partis politiques ne sont pas admis en tant que tels, dans le cas présent partis politiques, mouvements sociaux, associations citoyennes seront présent·es ensemble.
Septième originalité : il ne s’agit pas seulement d’interpréter le monde de l’extrême-droite, il s’agit d’essayer de lancer une initiative pour tenter de changer la situation. Certes, ce sera de manière modeste car nous ne sommes qu’au début du processus, mais si l’étape de Porto Alegre est encourageante, on pourra progresser pas à pas. Cela impliquera de surmonter les divisions qui affaiblissent dramatiquement la gauche pour faire face à l’extrême-droite.

 Comment se passent les préparatifs à Porto Alegre ?

C’est très encourageant de constater qu’à la date du 2 mai 2024, deux semaines avant le début de la conférence, il y a 1376 personnes qui se sont inscrites via le site https://antifas.org/ pour participer en présentiel. Plusieurs organisations syndicales de Porto Alegre mettent des logements collectifs et des salles de réunion à la disposition de la conférence. Ils mettent également des bus pour transporter des personnes des quartiers populaires vers le lieu de départ de la marche d’ouverture qui aura lieu le vendredi 17 mai à partir de 18H00. Des milliers de participant-es sont attendus à cette marche. Cela aussi, ce n’est pas banal, car ces derniers temps, la gauche n’a pas réuni de grandes concentrations au Brésil. Et dans le monde, on n’a pas connu récemment de grandes manifestations de rue contre l’extrême droite, sauf en Allemagne en début d’année 2024. Bien sûr et c’est encourageant, il y a, sur toute la planète, les massives mobilisations en solidarité avec le peuple palestinien face au gouvernement d’extrême-droite de Netanyahu. D’ailleurs, lors de la conférence de Porto Alegre, on fera le lien avec les mobilisations qui touchent massivement les campus universitaires des Etats-Unis.
Il faut souligner également que dans d’autres États que celui de Rio Grande do Sul, des initiatives unitaires sont prises en préparation de la conférence de Porto Alegre, c’est le cas notamment dans l’État de Ceara.

 Quelles sont les activités au programme de la conférence outre la manifestation du 17 mai ?

Il y a aura 8 assemblées plénières successives organisées sous la responsabilité du comité organisateur local entre le samedi 18 au matin et le dimanche 19 mai après-midi. Et en plus il y aura des dizaines d’activités auto organisées. Voir le programme des plénières : https://antifas.org/appel/ Il y aura probablement des visites de terrain pour les participant·es qui arriveront avant que commence la conférence ou qui resteront après le dimanche 19 mai. Il y aura également des activités culturelles. Il faut préciser que le PT et le PSOL sont dans l’opposition au niveau de la capitale Porto Alegre et dans l’Etat de Rio Grande do Sul dominés par la droite. Toute la logistique est organisée sans aucun soutien institutionnel. Tout passe par des efforts militant·es et par le soutien financier apporté par les organisations politiques et sociales qui soutiennent cette initiative.

 Pourquoi la ville Porto Alegre constitue-t-elle un bon endroit pour cette conférence et pour lancer un processus qui devrait gagner en force par la suite ?

Porto Alegre a été le berceau en 2001 du Forum Social Mondial qui s’y est réuni à plusieurs reprises avec une participation très nombreuse : jusqu’à 100 000 participant-es. C’était bien sûr une autre époque : on était à l’apogée de grandes mobilisations internationales contre l’offensive capitaliste néolibérale et y est né ce qu’on a appelé le mouvement altermondialiste ou alter globaliste avec comme thèmes : « Un autre monde est possible. » « Le monde n’est pas une marchandise. » Ensuite le FSM et ces grandes mobilisations ont décliné. Dans un contexte franchement défavorable avec une montée massive de l’extrême-droite et un recul de la gauche à beaucoup d’endroits de la planète, il s’agit d’essayer de contribuer à relancer une dynamique d’accumulation de forces. Cela ne sera pas facile. Prendre un nouveau départ à partir de Porto Alegre berceau du forum social mondial est donc un bon choix.

Lire aussi : Ire Conférence Internationale Antifasciste

Il y a une deuxième raison pour considérer que Porto Alegre est le bon endroit pour tenir cette première conférence : la relative proximité avec l’Argentine (par la route il y a environ 1 300 km, moins de 1 000 si on passe par l’Uruguay). Il est possible de se déplacer par la route en transport collectif pour se rendre de Buenos aires ou d’autres parties de l’Argentine vers Porto Alegre. Une douzaine d’organisations argentines de gauche se coordonnent pour envoyer deux autobus à Porto Alegre soit une centaine de militant·es. La présence active des camarades d’Argentine est particulièrement fondamentale vu qu’y sévit le gouvernement de Javier Milei qui tente de mettre en œuvre un programme de choc contre les conquêtes sociales et qui se réclame clairement des idées d’extrême droite.

La troisième raison : dans cette ville le PT et le PSOL sont alliés et ont surmonté leurs divergences par exemple pour se présenter ensemble aux élections municipales qui auront lieu en novembre 2024. Ils ne sont pas seuls il y aussi avec eux le PCdoB, le parti REDE,… Il y a également le soutien des mouvements sociaux comme le MST et les syndicats.

 Pourquoi réunir une telle conférence en 2024 et pourquoi au Brésil ?

Cela fait un moment qu’on aurait dû réunir une telle conférence. En effet, il faut se rappeler que Bolsonaro et ses partisans ont tenté en envahissant les centres des trois pouvoirs judicaire, législatif et exécutif à Brasilia le 8 janvier 2023 de faire un remake du 6 janvier 2021 organisé par Trump et ses soutiens lorsqu’a été envahi le congrès à Washington. On a pu avoir la confirmation dès ce moment que Bolsonaro était en train de préparer son retour en déstabilisant le gouvernement de Lula à peine élu. D’ailleurs Bolsonaro et ses partisan·es viennent de refaire en février 2024 avec une manifestation de près de 200 000 personnes à Sao Paulo, la démonstration qu’ils peuvent mobiliser massivement leurs partisans dans les rues. La gauche a montré en s’unissant électoralement qu’elle pouvait battre Bolsonaro dans les urnes mais la victoire a été très courte et les Brésilien·nes ne se sont pas débarrassés définitivement de Bolsonaro et de l’extrême-droite, loin de là. Plus récemment, à la fin 2023, il y a eu la victoire électorale de Javier Milei en Argentine, c’est un autre signal d’alerte de très grande gravité sur le plan continental.

Au cours de cette année 2024, l’extrême droite qui vient de marquer des points dans plusieurs pays d’Europe entre fin 2023 et avril 2024, notamment aux Pays Bas, au Portugal, en Allemagne… va encore se renforcer lors des élections européennes de juin 2024 et dans d’autres élections nationales. De même, le gouvernement d’extrême droite de Modi risque bien de sortir renforcer des élections de mai en Inde. Bukele au Salvador a été réélu début 2024, Poutine a été réélu et bien sûr il y a le risque d’une victoire électorale de Trump aux élections présidentielles d’octobre 2024. Sans oublier le génocide en cours perpétré contre le peuple palestinien par le gouvernement fascisant de Netanyahu.
Pour tout cela en 2024, il était plus que temps de lancer une initiative de portée internationale et le Brésil est un bon endroit pour le faire.

 L’extrême droite est-elle à l’initiative au niveau international ?

Manifestement, l’extrême-droite profite de la crise capitaliste dans ses différentes formes pour progresser et exprimer qu’elle a le vent en poupe au niveau international. Des réunions de l’extrême-droite se multiplient au niveau international et le fait qu’elle soit à la tête de gouvernements lui donne des ailes. L’investiture de Milei fin 2023 a été une occasion de plus de montrer la convergence, malgré leur diversité, entre Victor Orban premier ministre hongrois, Donald Trump, Bolsonaro, Netanyahou, l’extrême droite espagnole,… En juillet 2024, des représentant·es de l’extrême-droite se réuniront à Sao Paulo.

 Et dans le futur ?

Si jamais l’alliance PT-PSOL gagnait la mairie de Sao Paulo aux élections d’octobre 2024, la capitale économique du Brésil pourrait peut-être accueillir en 2025 une deuxième conférence anti fasciste. Pourquoi pas ? Et si ce n’est pas le cas, il faudra trouver un lieu approprié pour poursuivre l’effort entamé.

Ce qui serait aussi très utile, ce serait d’avoir des initiatives continentales ou par grandes régions. Après le choc que va provoquer le renforcement de l’extrême-droite dans le parlement européen, y aura-t-il une réaction salutaire de la part d’un nombre significatif de forces de gauche afin de convoquer une grande conférence européenne unitaire ? Et en Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada, Mexique,…), la gauche pourrait-elle organiser elle aussi une initiative ? D’autres régions de la planète pourraient voir naître des initiatives…

 Quelles sont les difficultés à surmonter pour lancer un processus puissant ?

Nous ne sommes qu’au début d’un processus et l’issue positive n’est pas garantie. Ce qui est garanti, c’est que si on n’essaye pas de construire un puissant mouvement international contre l’extrême-droite, celle-ci a de fortes chances de poursuivre sa progression et de s’enhardir. Les divisions au sein de la gauche dans les différents continents constituent un élément important de la faiblesse de la riposte face à la montée de l’extrême-droite. Parmi les nombreux problèmes qui surgissent dans la tentative de construction d’une grande initiative unitaire, on peut mentionner les problèmes suivants : la volonté de privilégier sa propre construction en tant que force politique ; le refus d’aider au succès d’une initiative à vocation unitaire par la crainte que cela renforce un concurrent politique ; la résistance à faire l’unité avec des partis dont la politique au gouvernement favorise des désillusions qui amènent une partie de l’électorat de gauche ou les primo votant à porter leurs suffrages vers la droite ; l’absence de collaboration antérieure, la difficulté de mettre ensemble partis, mouvements sociaux et associations citoyennes ; à mettre ensemble organisations et individus… Tout cela correspond à des problèmes bien réels et il n’est pas facile de les surmonter. D’ailleurs dans la construction d’un vaste mouvement international contre l’extrême droite, il faut être capable de débattre de ces problèmes, de les comprendre, pour tenter de les résoudre ou de les mettre provisoirement de côté afin de renforcer les convergences sur une plate-forme unitaire opératoire.

L’adoption d’une telle démarche de front unique n’implique pas du tout que chaque organisation renonce à son autonomie, son programme et son action. Pour les anticapitalistes, le fait de construire une alliance anti-extrême droite, antifasciste, qui peut inclure des partis de gauche qui participent à des gouvernements, qui pratiquent la collaboration de classe, devrait aller de pair avec le fait de redoubler d’efforts pour rendre crédibles une perspective et une pratique révolutionnaire. De toute manière, réussir à faire face à la montée de l’extrême droite dépendra de la capacité à développer de grandes mobilisations populaires et à aider à ce qu’elles aboutissent à des changements politiques en rupture avec le système capitaliste favorisant une issue écologiste socialiste (« écosocialiste »), féministe, antiraciste, internationaliste…

Auteur.e

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale – Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

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Vincent Fournier, wins an essential victory against union repression! https://asiacommune.org/2024/03/14/vincent-fournier-wins-an-essential-victory-against-union-repression/ Thu, 14 Mar 2024 16:42:27 +0000 https://asiacommune.org/?p=6781 10 years of layoffs and sanctions canceled! La Poste condemned for union discrimination and harassment! La Poste ordered to pay more than 40,000 euros! This…

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10 years of layoffs and sanctions canceled! La Poste condemned for union discrimination and harassment! La Poste ordered to pay more than 40,000 euros! This conviction highlights – finally – the discriminatory and violent methods of management. We savor this victory, but above all and we insist, above all, now it must help to highlight all the other cases at La Poste!

In the coming days, we will speak widely to our federations, UDs, trade unions, other unions, parties and associations, elected officials and public authorities so that this policy of union discrimination stops at La Poste. So that these thug methods stop. Congratulations to Vincent Fournier for not having given up in 10 years! They almost fired him, his determination allowed him to win this victory for all of us!

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Demonstration of solidarity with the Palestinian people. https://asiacommune.org/2024/03/12/demonstration-of-solidarity-with-the-palestinian-people/ Tue, 12 Mar 2024 16:36:44 +0000 https://asiacommune.org/?p=6762 Huge procession of the #newanticapitalistparty in the demonstration on Saturday March 9. Against the bombings, colonization, the ongoing genocide! #gaza #palestine #palestinian #internationalism #internationalisme #revolution…

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Huge procession of the #newanticapitalistparty in the demonstration on Saturday March 9. Against the bombings, colonization, the ongoing genocide!


#gaza #palestine #palestinian #internationalism #internationalisme #revolution #nowarbutclasswar #palestine🇵🇸

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March 8, 2024 in Paris. 100,000 demonstrators in the feminist movement. An extraordinary event with a strong presence of the CGT! https://asiacommune.org/2024/03/10/march-8-2024-in-paris-100000-demonstrators-in-the-feminist-movement-an-extraordinary-event-with-a-strong-presence-of-the-cgt/ Sun, 10 Mar 2024 11:08:11 +0000 https://asiacommune.org/?p=6749 The post March 8, 2024 in Paris. 100,000 demonstrators in the feminist movement. An extraordinary event with a strong presence of the CGT! appeared first on Asia Commune.

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Quelques éléments sur l’histoire politique du Sri Lanka https://asiacommune.org/2022/07/31/quelques-elements-sur-lhistoire-politique-du-sri-lanka/ Sun, 31 Jul 2022 20:35:36 +0000 https://asiacommune.org/?p=3502 Par Don Samantha (28 juillet 2022 – Sri Lanka – Histoire Illustration : Don Samantha au congrès du NPA en 2011 Entretien (partie 1) avec Don Samantha,…

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Par Don Samantha (28 juillet 2022 – Sri LankaHistoire

Illustration : Don Samantha au congrès du NPA en 2011

Entretien (partie 1) avec Don Samantha, réfugié sri-lankais en France, membre du Socialist Party of Sri Lanka et du NPA

Peux-tu te présenter ?

DS : J’ai rejoint dès l’enfance la gauche sri lankaise. Je suis entré à 18 ans au NSSP (Nawa Sama Samaja Party), la section de la IVe Internationale (Secrétariat Unifié). Ce parti m’a donné une formation qui m’a permis de mieux comprendre les enjeux nationaux et internationaux, notamment la question du racisme et du fondamentalisme, très présents au Sri Lanka, et de réfléchir à comment créer une société qui en soit débarrassée. Je suis membre actuellement du Socialist Party of Sri Lanka et du NPA, et par ailleurs de la CGT. Je m’exprime ici en mon nom propre.

Quelle a été à grands traits l’histoire politique du Sri Lanka depuis la colonisation ?

DS : Le Sri Lanka a été colonisé par trois pays européens successivement : le Portugal de 1503 à 1608, la Hollande de 1608 au troisième quart du XVIIIe siècle, la Grande Bretagne de la fin du XVIIIe siècle à 1948 (indépendance) et 1972 (sortie du Commonwealth et changement de nom : « Ceylan » devient « Sri Lanka »). (Il y a eu aussi une tentative de colonisation française en 1796 pendant quelques mois, avec le contrôle d’un port…)

Le pays est pillé par le colonialisme britannique. L’agriculture est profondément modifiée, devient exportatrice. Beaucoup de travailleurs sont envoyés en Grande-Bretagne pour servir de main-d’œuvre. La Grande-Bretagne a aussi tout fait pour diviser les communautés ethniques et religieuses : diviser pour mieux régner.

En 1931, une commission est mise en place à Londres, dirigée par un lord membre de l’Église anglicane, pour un projet de constitution qui prévoit le droit de vote, et d’autres droits politiques, ainsi qu’une Assemblée. Mais ce projet est rejeté par la bourgeoisie compradore sri-lankaise, notamment parce qu’elle est contre le droit de vote des femmes ! D’emblée, on voit que la bourgeoisie nationale est hostile à toute démocratie. La seule force politique à soutenir ce projet est le mouvement ouvrier, qui commence avec des syndicats.

Un mouvement indépendantiste voit cependant le jour au Sri Lanka, mais il très timoré, notamment si on le compare à celui de l’Inde : il se contente de demander l’indépendance à la Grande-Bretagne, mais ne fait rien en ce sens.

Mais un petit groupe d’intellectuels qui faisaient leurs études à Oxford et Cambridge, issus de bonnes familles bourgeoises sri-lankaises, se radicalise dans le contexte de la gauche britannique et européenne des années 1930, qui elle-même se radicalise. C’est ce groupe qui va jeter les bases d’un véritable mouvement révolutionnaire sri-lankais, d’abord depuis Londres. Les leaders sont de véritables intellectuels marxistes : N. M. Perera, Colvin R. Da Silva, Leslie Goonewardene, Philip et Robert Gunawardena, S. A. Wickramasinghe… Ils reviennent au Sri Lanka au milieu des années 1930.

Ils découvrent une situation sanitaire désastreuse, la population ravagée notamment par la malaria, privée de soins et de médicaments, notamment dans les villages. La situation alimentaire est également très mauvaise, avec des disettes fréquentes. Ils décident d’organiser la population en se concentrant sur ces deux questions et multiplient les réunions clandestines, y compris dans la jungle.

S’inspirant du mouvement des coquelicots de Grande-Bretagne (associations caritatives qui vendaient ces fleurs au profit des familles endeuillées par la guerre de 1914-18), ils financent ces activités en vendant des tournesols. Ce « mouvement des tournesols » devient vite très populaire parmi les populations pauvres, qui se détournent des partis nationalistes modérés. Ce mouvement ne se revendique pas officiellement du socialisme, mais il y tend, il milite clairement pour l’indépendance et prend contact avec des organisations révolutionnaires du monde entier, se coordonnant en particulier avec les organisations indépendantistes indiennes. Il organise l’acheminement et la distribution de nourriture (lentilles…) et de médicaments, alors que les autorités britanniques et leurs agents locaux se contentent de dire aux gens d’aller prier…

En même temps, les discussions politiques se poursuivent et débouchent en 1935 sur la création du LSSP (Lanka Sama Samaja Party), premier parti de l’histoire du Sri Lanka, qui s’affirme à la fois indépendantiste et socialiste. Pour lui faire contrepoids, les groupes nationalistes modérés créent l’UNP (United National Party, qui existe toujours puisque le nouveau président par intérim en est membre!). Les dirigeants du LSSP ne cessent d’approfondir leurs réflexions et se rallient au programme de la IVe Internationale. C’est ainsi que le mouvement indépendantiste révolutionnaire du Sri Lanka devient trotskyste : c’est un cas unique dans l’histoire. Quand l’Allemagne nazie attaque l’URSS, une fraction ouvertement stalinienne se constitue, sous la direction de S. A. Wickramasinghe, mais elle est expulsée par la majorité trotskyste et fonde le PC sri-lankais.

Que fait le LSSP après l’indépendance ?

DS : Au moment de l’indépendance, après la Seconde Guerre mondiale, des élections sont organisées. Le LSSP recueille 10,8% des voix en 1947 (200 000 voix) et 13,11% en 1952 (300 000 voix). C’est l’UNP, parti de droite, qui est majoritaire et exerce le pouvoir. Mais le mécontentement populaire se développe rapidement. En 1953, éclate un puissant mouvement social (Hartal). Le gouvernement est impuissant à contrôler la situation : 70 ans avant Gotha Rajapaksa, il doit fuir le pays en bateau ! La situation est unique et le LSSP joue un rôle prépondérant dans ce mouvement. Mais il rate l’opportunité de prendre le pouvoir : il n’a pas de plan stratégique, sous-estimant sa force (au motif d’un poids électoral modeste), subissant aussi la concurrence et la pression du PC stalinien et du JVP maoïste (en ascension en raison de leurs succès internationaux) et même d’un parti bourgeois, le SRFP, avec lequel plusieurs de ses dirigeants entretiennent des liens de copinage (dus à leur proximité de jeunesse durant leurs études, voire à des accointances ethniques).

Le SRFP (Sri Lanka Freedom Party) est né en 1951 d’une scission sur la gauche de l’UNP au pouvoir, impulsée par l’un de ses dirigeants, Solomon Bandaranaike. Ce parti se prétend socialiste non révolutionnaire, se veut proche des pays « socialistes », mais est surtout nationaliste et raciste puisqu’il prône un Sri Lanka fondé sur la suprématie singhalaise et bouddhiste, contre les minorités tamoule et musulmane. Il faut rappeler que le Sri Lanka est une nation pluriculturelle, avec une majorité de Singhalais (71% aujourd’hui), des Maures musulmans (9%), une minorité tamoule sri lankaise (15%), ainsi que des Indiens tamouls, qui sont présents depuis 200 ans (amenés par la Grande-Bretagne pour travailler dans les montagnes aux plantations de thé), mais ont toujours le statut d’étrangers (5%).

Dans les années 1950, c’est donc une grave faute de la part du LSSP de se rapprocher du SRFP nationaliste et raciste, sous prétexte que ce parti se prétend socialiste. Or le SRFP remporte les élections en 1956. Il va devenir l’autre principal parti de la bourgeoisie, dit de centre-gauche, alternant au pouvoir avec l’UNP, dite de droite. Il exerce le pouvoir de 1956 à 1977, y revient de 2004 à 2015 et, sous d’autres formes, le clan Rajapkasa en est issu. Au fil du temps, ce parti devient de plus en plus raciste. Il promeut notamment une constitution raciste : pendant quelque temps, seul le singhalais a été reconnu comme langue nationale et le bouddhisme promu religion officielle. Mais si cela a finalement été abandonné, les discriminations se sont multipliées.

Avant cela, la dérive nationaliste du LSSP, qui était section de la IVe Internationale alors dirigée par M. Pablo et E. Mandel, se poursuit. Mais la direction internationale ne réagit pas. En 1964, le LSSP rejoint un gouvernement d’union avec le SRFP, auquel il donne plusieurs ministres, dont celui des finances. C’est une véritable trahison : pour la première fois, des « trotskystes » entrent dans un gouvernement bourgeois nationaliste, entachant le drapeau révolutionnaire, avec des conséquences désastreuses au niveau international, notamment en Asie. La direction de la Quatrième Internationale « réunifiée » l’année précédente exclut bien sûr le LSSP, mais cela n’efface pas le manque d’intervention pendant des années.

Est-ce la fin du trotskysme au Sri Lanka ?

DS : Après 1964, plusieurs groupes se forment comme fractions du LSSP ou en dehors de lui pour essayer de maintenir la continuité du trotskysme, mais aucun n’arrivera jamais à reconstruire un véritable parti. En 1978 est cependant formé le NSSP (Nava Sama Samaja Party), section de la IVInternationale-Secrétariat Unifié, qui a le mérite d’être le seul parti à reconnaître le droit à l’autodétermination de toutes les minorités du Sri Lanka, à commencer par les Tamouls, et qui défend les travailleurs indiens des plantations de thé, particulièrement maltraités et discriminés. Mais sur cette question et sur d’autres, il y a beaucoup de divisions et de scissions, notamment parce que, régulièrement, des fractions se tournent vers des alliances avec des partis bourgeois, au prétexte du moindre mal. Le dernier en date est le ralliement du NSSP à l’UNP en 2019 – ce qui a conduit la Quatrième Internationale (CI, ex-SU) à l’exclure, mais là encore après des années de dérive… Il y a aussi d’autres groupes, notamment celui qui rejoint l’internationale de Ted Grant (CWI/CIO) à la fin des années 1970, et qui lui-même s’est divisé, avec notamment le Socialist Party of Sri Lanka dont je suis membre et qui a rejoint la Ligue pour la 5e Internationale puis a rompu avec elle.

Quelle politique les gouvernements ont-ils menée ?

DS : Jusqu’en 1977, les gouvernements dominés par le SRFP (avec ou sans le soutien du LSSP) mènent une politique nationaliste et raciste, mais maintiennent l’économie du pays dans une situation de relative indépendance par rapport aux flux financiers et au commerce internationaux. Ils ont notamment une politique stricte de contrôle des changes pour garder la souveraineté monétaire, ce qui permet au pays d’éviter largement les effets de la crise des années 1970. Mais ce n’est pas pour autant que les revendications sociales sont satisfaites et les discriminations à l’égard des minorités, notamment des Tamouls, ne cessent d’aviver les tensions.

En 1977, le mécontentement aboutit à la défaite électorale du SRFP, au pouvoir depuis vingt ans. Le retour au pouvoir de l’UNP, le parti de la droite libérale, marque un tournant : ouverture aux marchés internationaux, libéralisation de l’économie, réformes néo-libérales, emprunts massifs à l’étranger, privatisation des entreprises publiques, vendues non seulement à des bourgeois sri-lankais, mais aussi à des investisseurs étrangers (notamment dans le domaine des transports et des ports)… Le Sri Lanka devient économiquement dépendant, des dizaines de milliers de travailleur/se-s perdent leur emploi, la croissance de l’économie sur un schéma néo-libéral fait exploser les inégalités…

Comment réagit la population ?

Le 23 juillet 1980, une grève générale éclate, où le NSSP trotskyste joue un certain rôle. Mais la répression est terrible, avec des chars dans les rues. Il y a de nombreux morts, dont un des dirigeants du NSSP tué lors d’une manifestation.

En parallèle, les Tamouls, qui subissent des discriminations accrues depuis des années, se radicalisent à la fin des années 1970. Des groupes de jeunes décident de prendre les armes. Parmi ces groupes, les LTTE (Tigres tamouls) vont s’imposer comme force principale et bientôt unifier la lutte armée. Le gouvernement réagit en envoyant l’armée à Jaffna (grande ville du Nord, au cœur du pays tamoul) et en réprimant durement, avec notamment l’incendie de la grande bibliothèque, la plus importante de tout le Sud asiatique, qui contenait des documents uniques, notamment de la culture tamoule. La fracture devient insurmontable : le cycle des violences sanglantes est enclenché.

Le 23 juillet 1983, les LTTE tuent 13 soldats de l’armée. Le gouvernement incite alors à la violence contre les Tamouls dans tout le pays : un pogrome est organisé notamment dans les quartiers tamouls de Colombo, avec 3000 tués, les boutiques détruites, des viols de masse. 150 000 Tamouls fuient leurs habitations et se replient dans les zones à majorité tamoule (Nord et Est). Par la suite, les LTTE multiplient les attentats, il y a des massacres des deux côtés, mais le gouvernement porte la responsabilité principale. En 2009, il lance une offensive décisive pour mettre fin à la résistance tamoule, au prix d’un véritable génocide, car les civils sont tués comme les militaires : 30 à 40 000 mois en qeuqleus mois. Il a le soutien des États-Unis comme des principales puissances capitalistes, et les Casques bleus de l’ONU, qui étaient censés faire tampon entre les belligérants, se retirent juste avant le massacre.

En tout, la guerre civile a fait 100 000 morts et 150 000 disparus en 30 ans, essentiellement tamouls. Depuis 2009, bien que la résistance tamoule ait été écrasée, que les dirigeants militaires tamouls aient tous été tués et que les nouveaux dirigeants aient déclaré leur renoncement à la résistance armée, l’armée occupe de façon continue les territoires à majorité tamoule et le gouvernement refuse de céder même aux revendications d’autonomie limitée.

Par ailleurs, dès le début de la guerre civile, et alors que la situation sociale continue de se dégrader, le gouvernement s’est inquièté du rôle croissant des partis de gauche (NSSP, PC et Maoïstes) et les a interdits en 1983. Le PC a fait le gros dos et rentre dans le rang. Les maoïstes ont lancé leur propre mouvement de guérilla, qui a atteint son apogée entre 1987 et 1989, avec de durs combats qui font jusqu’à 60 000 morts ; ils ont refusé cependant toute articulation avec la lutte des Tamouls, auxquels ils dénient le droit à l’autodétermination : ils iront jusqu’à soutenir leur massacre par l’armée en 2009.

Le NSSP s’est concentré quant à lui sur l’organisation dans la classe ouvrière, de manière clandestine, avec le soutien de la IVe Internationale (SU) ; il a apporté son soutien à la lutte militaire des Tamouls pour le droit à l’autodétermination (mais ce n’est pas un soutien politique, car la direction tamoule mène une politique nationaliste et des camarades trotskystes ont d’ailleurs été tués par les LTTE). Les tentatives du NSSP pour construire un front uni de la gauche et préparer une grève générale ont échoué, notamment parce que les maoïstes refusaient de soutenir les revendications nationales des Tamouls. Les relations ont dégénéré et nombreux trotskystes sont tués par des maoïstes.

Globalement, depuis la fin des années 1980 et même la fin de la guerre civile en 2009, aucune force de gauche n’a réussi à se construire. Pendant près de 30 ans, la guerre civile a évidemment dominé la situation et les masses n’ont pas pu se mobiliser. Les attentats du LTTE ont longtemps contribué à ce que la population cinghalaise se solidarise avec le gouvernement. Il a donc fallu des années pour que les luttes sociales redeviennent possibles. Depuis 2009, la classe dirigeante n’a plus le prétexte de la guerre civile, et s’est encore plus vautrée qu’avant dans la corruption. De ce point de vue, l’aragalaya, cette grande révolte populaire à laquelle nous venons d’assister, est un événement majeur. Elle renoue avec les grandes luttes sociales du peuple sri lankais, notamment de Hartal de 1953 et la grève générale de 1980. Mais elle s’inscrit aussi dans les luttes en cours des paysans et des travailleurs au Myanmar, au Pakistan et en Inde.

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Que faire après la répression de la grande révolte populaire au Sri Lanka ? https://asiacommune.org/2022/07/31/que-faire-apres-la-repression-de-la-grande-revolte-populaire-au-sri-lanka/ Sun, 31 Jul 2022 20:24:24 +0000 https://asiacommune.org/?p=3497 Par Don Samantha (28 juillet 2022) Sri Lanka Entretien (partie 2) avec Don Samantha, réfugié sri lankais en France, membre du Socialist Party of Sri Lanka et…

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Par Don Samantha (28 juillet 2022) Sri Lanka

Entretien (partie 2) avec Don Samantha, réfugié sri lankais en France, membre du Socialist Party of Sri Lanka et du NPA

Vendredi 22 juillet, le nouveau président (intérimaire) Ranil Wickremesinghe a fait monter d’un cran la répression de la puissante révolte des travailleur/se-s et étudiant-e-s du Sri Lanka. Il a fait intervenir l’armée pour évacuer notamment la place Galle Face Green, à Colombo, où se concentraient les manifestant-e-s qui avaient réussi à faire fuir le président Gotabhaya Rajapaksa le 9 juillet. Aujourd’hui même, ces 27 et 28 juillet, le gouvernement a dressé une liste de centaines de personnes à arrêter et la police a procédé à des dizaines d’interpellations et d’emprisonnements. Est-ce la fin de la mobilisation ?

DS : C’est indéniablement un coup d’arrêt au cycle des énormes manifestations qui ont marqué les derniers mois. L’aragalaya est un mouvement de masse spontané, où les principaux partis et syndicats n’ont joué aucun rôle. Des manifestations ont eu lieu dans tout le pays, quotidiennement, et ont convergé vers la capitale. Le monde entier a pu voir la puissance de cette révolte, avec ces manifestant-e-s qui ont envahi et occupé des bâtiments publics, jusqu’au palais présidentiel, ainsi que les résidences privées de plusieurs ministres, qui ont été pillées, voire brûlées.

Le président Gotabhaya Rajapaksas’est débarrassé du Premier ministre, son frère, Mahinda Rajapaksa, mais cela n’a pas suffi à mettre fin à la révolte. Il a fait appel à l’armée, notamment le 9 mai, mais cela n’a fait qu’accroître et intensifier la mobilisation. Beaucoup de policiers et de soldats l’ont même rejointe ! Les manifestant-e-s voulaient chasser du pouvoir le clan Rajapaksa et ont enfin obtenu la fuite et la démission du président.

Malheureusement, celui-ci avait nommé un nouveau premier ministre, Ranil Wickremesinghe, et le parlement l’a élu président par intérim. Les manifestant-e-s n’ont pas réussi à empêcher cela. Ils ont pourtant scandé depuis des mois « Go Home 225 », exigeant le départ des 225 députés du parlement. Le parlement est dominé lui aussi par le parti des Rajapaksa, le SRFP (Sri Lanka Freedom Party), et l’ensemble des députés soutiennent une solution institutionnelle. En particulier, le président par intérim Ranil Wickremesinghe n’a aucune légitimité : il était même le seul député de son propre parti, l’UNP (United National Party), qui a longtemps été l’autre grand parti de la bourgeoisie au Sri Lanka (droite conservatrice et libérale).

Or la police et l’armée ont réussi à protéger le parlement contre les tentatives de le prendre d’assaut. Le pouvoir a été aidé par les dirigeants des syndicats, comme Ravi Kumudesh du TUCC (Trade Union Coordination Centre), qui ont apporté leur soutien à Wickremesinghe pour qu’il gère la situation jusqu’aux prochaines élections. De même, l’association des avocats a appelé à un gouvernement d’union nationale : c’est elle qui a demandé la première que le Parlement élise un président par intérim jusqu’à une nouvelle élection présidentielle (comme la constitution le permet).

Et certains manifestants, comme le National Movement of Non-party Agitators, ont annoncé une pause dans la mobilisation. Tout cela a permis au gouvernement de reprendre la main, donc de déployer la répression : état d’urgence, évacuation de tous les manifestants, destruction de la mobilisation en 24 heures.

Le problème de ce grand mouvement populaire est donc qu’il n’a pas de direction politique propre. C’est cela qu’il va falloir construire : sans direction révolutionnaire, la révolte est vouée à l’impuissance.

Cela veut-il dire que le pouvoir ait gagné ?

DS : L’UNP a profité de la situation pour revenir au pouvoir, mais ne représente personne et est incapable de gérer la situation. Rien n’est réglé car le pays s’effondre. L’État est en faillite, il n’a plus de réserves de change pour payer l’énorme dette (50 milliards de dollars) contractée sur les marchés internationaux – auprès du FMI, de la Banque mondiale, de la Chine.

L’origine de cette dette, c’est d’une part la politique néolibérale menée depuis 1977, qui a rendu le Sri Lanka dépendant du marché mondial, avec le pillage du pays par les multinationales, la privatisation des entreprises publiques, etc.

D’autre part, la guerre civile contre les indépendantistes tamouls (LTTE, Tigres tamouls), qui a duré près de 30 ans, a mobilisé une part énorme du budget de l’État, jusqu’à 10 milliards de dollars par an, financés par la dette. L’écrasement de la lutte armée des Tigres tamouls en 2009 n’a pas fait diminuer ce budget militaire, car les régions à majorité tamoule sont occupées et maltraitées de façon permanente par l’armée.

Enfin, les dirigeants de la bourgeoisie ont détourné l’argent en amassant d’énormes fortunes par les rétrocommissions et la corruption généralisée.

Aujourd’hui, l’État se retrouve en défaut de paiement et n’a même plus assez de réserves pour son propre fonctionnement. La population manque de tout : nourriture, énergie, médicaments, matériels pour les hôpitaux. La crise alimentaire semble paradoxale dans une économie essentiellement agraire, mais la production s’est effondrée car le gouvernement avait décidé de cesser l’importation d’entrants chimiques, officiellement pour des raisons écologiques, en fait faute d’argent. Le pays a besoin de 2,5 millions de tonnes de riz, mais aujourd’hui il n’en a qu’1,6 million. 20% des enfants sont en situation de malnutrition. Les malades et les personnes âgées ne peuvent pas être soignés. Beaucoup d’écoles sont fermées car les enfants n’y vont plus faute de carburants. Le pays a besoin de 500 millions de dollars d’hydrocarbures pour les prochains mois.

L’État sri lankais va donc demander l’aide du FMI et la condition sera de nouvelles privatisations, de nouvelles restructurations. L’intérim de Wickremesinghe vadonc servir à rendre le Sri Lanka encore plus dépendant des puissances capitalistes, sans rien régler des problèmes qui ont conduit à la révolte.

Que faut-il faire maintenant ?

DS : Je crains que les mobilisations ne reprennent pas tout de suite, car la répression est très forte. Il faut s’appuyer sur la révolte pour poser la question d’une direction révolutionnaire. Ce doit être l’objectif des groupes de gauche. La gauche au Sri Lanka est faible, divisée, mais surtout incapable de proposer une nouvelle stratégie. Trop de groupes se sont tournés, les uns après les autres, vers les partis bourgeois, depuis le grand parti LSSP (Lanka Sama Samaja Party)entré au gouvernement en 1964 [voir l’entretien sur l’histoire du Sri Lanka]jusqu’au NSSP, qui était membre pendant des années de la Quatrième internationale-Comité international (ex-Secrétariat Unifié) et n’en a été expulsé après de longues tergiversations qu’en 2020, après que son principal dirigeant ait décidé de se rallier pour l’élection présidentielle au candidat… de l’UNP (le parti bourgeois de droite dont est justement issu le nouveau président Wickremesinghe !). Les autres groupes qui viennent du trotskysme ou se réclament du communisme manquent de vision stratégique. Il faut cependant travailler pour dépasser les vieilles divisions de la gauche, réaliser l’union sur la base d’une orientation politique révolutionnaire, indépendante du régime et de tous les partis qui le servent.

Pour cela, il faudra se mettre d’accord sur un programme politique. Cela commence par le refus de donner le moindre soutien aux institutions actuelles et par la mise en avant d’objectifs fondamentaux comme la réforme agraire (car les terres sont toujours accaparées par un petit nombre de grands propriétaires, alors que la majorité de la population est encore rurale), l’annulation de la dette, la confiscation des fortunes amassées par la corruption, l’arrêt des réformes néo-libérales, l’expropriation des grandes entreprises et leur renationalisation sous contrôle des travailleur/se-s… Il faudra aussi engager un combat pour la démocratisation des syndicats, contre les bureaucrates qui les dirigent, généralement alliés du régime.

Il est crucial d’apporter un soutien inconditionnel aux droits des minorités, notamment au droit des Tamouls (15% de la population) à l’autodétermination (c’est là une ligne de clivage avec la plupart des groupes maoïstes), ainsi qu’aux droits des Indiens tamouls du Sri Lanka (5%), toujours considérés comme étrangers dans leur propre pays alors qu’ils y travaillent, toujours dans des conditions terribles, depuis que les Britanniques les ont fait venir de force voici 200 ans pour les plantations de thé dans les montagnes.

Enfin, nous avons besoin de la gauche internationale pour qu’elle soutienne la gauche sri lankaise et plus généralement la population sri lankaise. Nous devons notamment construire une coordination révolutionnaire au niveau du sous-continent indien, car par leur histoire, leur culture et la politique néocoloniale qu’ils subissent de la part des grandes puissances, les peuples du Sri Lanka, de l’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, du Népal, du Bhoutan, du Myanmar ont les mêmes intérêts et tous ont renoué avec de grandes luttes depuis quelque temps, notamment au cours de l’année écoulée. C’est en ce sens qu’a été créée la coordination Asia Commune dont la Tendance CLAIRE a traduit et publié la dernière déclaration (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1824)

Dans l’immédiat, nous mettons en avant les mots d’ordre suivants :

1. Dissolution immédiate du parlement ;

2. Proposons une large institution démocratique pour créer un projet de nouvelle constitution ;

3. Créons un nouveau front de solidarité socio-économique d’Asie du Sud ;

4. Unifions la gauche ;

5. Construisons une union socialiste de l’Asie du Sud ;

6. Construisons le parti international du peuple travailleur pour la révolution socialiste.

1. Dissolve the parliament immediately.

2. Let   us   propose   a   broad   democratic   institution   to   create   a   draft   of   new constitution.

3. Let us create a new socio – economic solidarity front with South Asian region. 

4. Let us unite the left movements.

5. Let us build a socialist union in South Asia.

6. Let us build the international party of working people to achieve the socialist revolution.

  1.  පාර්ලිමේන්තුව විසුරුවා හරිනු.
  2. නව ව්‍යවස්ථා කෙටුම්පතක් සකස් කිරීම සදහා පුළුල් ප්‍රජාතන්ත්‍රවාදි ආයතනයක් ගොඩනඟමු.
  3. දකුණූ ආසියානු කලාපය සමග නව සමාජ, ආර්ථික, සහයෝගිතා පෙරමුණක් ගොඩනඟමු.
  4. වම එක්සත් කරමු.
  5. දකුණූ ආසියාව තුල සමාජවාදි සමූහ ආණ්ඩුවක් ගොඩනඟමු.
  6. සමාජවාදි විප්ලවය ජය ගැනීම සදහා වැඩ කරන ජනතාවගේ ජාත්‍යන්තර පක්ෂය ගොඩනඟමු.

1. பாராளுமன்றத்தை உடனடியாக கலைத்துவிடு.

2. புதிய அரசியலமைப்பு  வரைபை  உருவாக்குவதற்கு ஒரு பரந்த ஜனநாயகக் கட்டமைப்பை முன்மொழிவோம்.

3. தெற்காசிய பிராந்தியத்தில் ஒரு புதிய சமூக – பொருளாதார  ஒருமைப்பாட்டு முன்னணியை உருவாக்குவோம். 

4. இடதுசாரி  இயக்கங்களை  ஒன்றிணைப்போம்.

5. தெற்காசியாவில் சோசலிச தொழிற்சங்கத்தை உருவாக்குவோம்.

6. சோசலிசப் புரட்சியை வென்றெடுக்க சர்வதேசத் தொழிலாளர் கட்சியைக் கட்டியெழுப்புவோம்.

Originally From: https://tendanceclaire.org/article.php?id=1827

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